L’estime de soi évolue avec le temps…

Q: Claudia, selon toi, quels sont les plus grands défis pour cultiver une estime de soi solide et bienveillante à chaque étape de la vie ?

L’estime de soi est effectivement un jardin qui demande une attention particulière à chaque saison de notre vie. Avant tout, il est crucial de reconnaître que nous ne démarrons pas tous avec les mêmes ‘billes’ dans la vie. Même avec des parents présents et aimants, on peut développer une estime de soi fragile.

Le premier défi fondamental, c’est de déconstruire cette idée reçue selon laquelle cultiver un bon rapport à soi serait égoïste. Dans nos sociétés occidentales, devenues très individualistes, cette notion est parfois caricaturée, comme si l’individu était seul responsable de son estime de soi. Or, celle-ci se construit aussi au travers des injonctions et des biais sociétaux.

Dans la vingtaine, le plus grand défi est souvent de se définir indépendamment de ces attentes sociétales. C’est une période où l’on apprend à distinguer notre voix intérieure des bruits extérieurs.

Dans la trentaine, le défi majeur devient la réconciliation entre nos différentes identités : professionnelle, personnelle, amoureuse. C’est souvent là qu’on réalise que l’estime de soi n’est pas liée à notre ‘performance’ dans ces domaines, mais à notre capacité à nous accepter dans notre globalité. C’est d’ailleurs le cœur de notre méthodologie chez Self Love Project : transformer notre relation à nous-mêmes pour créer des relations plus saines et sécurisantes.

Le défi universel, qui transcende l’âge, est d’apprendre à être bienveillant envers soi-même tout en restant dans l’action constructive. Je suis convaincue que cultiver une intériorité bienveillante et ancrée permet d’être au monde et aux autres plus en douceur, et donc cela profite à la société en général. Ce n’est pas toujours évident de trouver cet équilibre entre l’acceptation de qui nous sommes et le désir d’évoluer.

Self-love vs injonctions sociétales

Q: On entend beaucoup parler d’amour de soi, mais dans un monde qui valorise la performance et l’apparence, comment faire pour que ce soit une réalité intérieure plutôt qu’un concept tendance ? Quelles pratiques simples et accessibles recommandes-tu même quand on manque de temps ?

Comprendre ce qu’est réellement l’estime de soi est la première étape.

Il y a plusieurs visions différentes, mais j’aime celle de Christophe André qui dit que c’est l’addition de l’image de soi, l’amour de soi et la confiance en soi. En décortiquant, on donne plus de profondeur au concept et on a plus de possibilité de faire le point sur ce qui ne fonctionne pas.

Avoir une bonne estime de soi n’est pas une question de performance, mais une question de cultiver un lien à soi qui soit de qualité. On ne travaille pas son estime de soi ‘parce qu’il faut le faire’, mais parce qu’on a compris que ça nous fait du bien.

Comment le faire ?

Transmettre l’amour de soi aux générations suivantes

Q: Dans un monde où l’image et la réussite sont omniprésentes, comment aider nos filles (et petites-filles) à cultiver une estime d’elles-mêmes saine et authentique ?

La transmission de l’estime de soi commence par nous-mêmes, car comme le dit si justement l’adage : ‘Nos enfants ne sont pas ce que l’on dit, ils sont ce que l’on fait.’

La clé est de cultiver un environnement où le regard porté sur soi-même est naturellement bienveillant, où l’imperfection est vue comme une partie normale de la vie, et où la valeur personnelle n’est pas liée à la performance ou à l’apparence.

Dans ce monde obsédé par l’image et la réussite, notre rôle est de créer un contrepoids, un espace où nos filles peuvent développer une relation authentique avec elles-mêmes, ancrée dans l’acceptation plutôt que dans la quête perpétuelle de perfection.

Si nous ne pouvons pas contrôler tous les messages qu’elles reçoivent de l’extérieur, nous pouvons créer un socle solide à travers le miroir que nous leur tendons : un amour inconditionnel, détaché de la performance, de la perfection ; un espace sécurisant pour exprimer leurs doutes et leurs peurs.

L’encouragement à l’authenticité est crucial. Valoriser leurs choix personnels, même quand ils diffèrent des nôtres et leur donner des responsabilités adaptées à leur âge pour développer leur confiance.

Notre rôle est d’être un refuge où elles peuvent partager leurs difficultés sans jugement. Leur donner des outils pour faire face aux défis extérieurs et développer leur propre boussole intérieure. Leur donner la possibilité d’essayer, d’échouer, et de réessayer.

Montrons-leur concrètement comment prendre soin de soi sans culpabilité ou poser des limites saines.

Un acte de résistance

Q: Dans une société qui pousse les femmes à la compétition les unes envers les autres, qui ne nous encourage pas à nous entraider pour pouvoir nous vendre toujours plus de choses, ou nous maintenir dans un état de non-conscience, apprendre à cultiver avec soi-même un lien sincère et authentique, hors de la performance, est forcément un acte de liberté.

Création, art et beauté

Q: Comment l’expression créative peut-elle aider à renforcer l’estime de soi, notamment pour celles qui n’ont jamais exploré cet aspect auparavant ?

L’expression créative est un formidable outil de reconnexion à soi, et contrairement à ce qu’on pourrait penser, elle n’est pas réservée aux ‘artistes’. C’est avant tout un espace de liberté où l’on peut explorer qui on est, sans jugement ni attente de performance.

 La créativité nous reconnecte à notre authenticité car quand on crée, on sort des cases et des attentes. On se donne la permission d’explorer, d’essayer, de nous surprendre nous-mêmes. C’est un espace où il n’y a pas de ‘bien’ ou de ‘mal’, juste notre expression unique. Dans le processus créatif, on apprend aussi à accueillir l’imperfection, les ‘accidents heureux’, les résultats inattendus. C’est un excellent exercice pour assouplir notre perfectionnisme et notre besoin de contrôle. Chaque petit projet créatif mené à terme, même imparfait, renforce notre sentiment de capacité.

Pour celles qui n’ont jamais exploré cet aspect, il existe des portes d’entrée simples et accessibles : tenir un journal créatif en mélangeant écriture et collages, explorer la photographie avec son téléphone pour capturer ce qui nous touche, jouer avec les couleurs dans son quotidien, ou encore cuisiner de manière intuitive en suivant ses envies plutôt qu’une recette stricte.

L’important n’est pas le résultat mais le processus : c’est dans ces moments de création que l’on se redécouvre, qu’on s’autorise à exister en dehors des cases, et qu’on renforce doucement mais sûrement notre relation à nous-mêmes.

L’envie d’écrire un nouveau chapitre

Q: Beaucoup de femmes ressentent, à partir d’un certain âge, l’envie d’écrire un nouveau chapitre, de s’affranchir des attentes et de faire ce qui les fait vibrer. Quels conseils donnerais-tu pour transformer cette période en un élan positif et libérateur ?

Il y a quelque chose de profondément libérateur qui se passe souvent autour de la quarantaine. C’est comme si on avait accumulé suffisamment d’expérience pour enfin oser être pleinement soi-même. Et surtout, on en a marre de faire semblant – de prétendre que tout va bien, d’être celle qu’on attend qu’on soit, de sourire quand on n’en a pas envie.

Cette période est une invitation à faire le tri entre ce qui nous appartient vraiment et ce qui vient des attentes des autres. La beauté de ce moment, c’est qu’on sait enfin ce qui nous fait vibrer, et les jugements des autres perdent de leur importance.

Cette période devient un formidable élan de liberté quand on la voit non pas comme un ‘malgré l’âge’ mais comme un ‘grâce à l’expérience’. C’est le moment de transformer toutes ces années d’apprentissage en une force tranquille, celle de ne plus avoir à jouer un rôle.