Curiosité 10

Hélène Dumont

Notre invitée ce mois-ci est Hélène Dumont. Elle accompagne les personnes et les couples qui interrogent le sens de la vie à deux, que ce soit dans la dimension affective, relationnelle ou sexuelle.

Hélène est également chroniqueuse pour @fabaufoyer et elle a écrit un livre sur la sexualité au féminin « Terre éclose, la sexualité au féminin ».

Cet hiver, nous organisons une escapade sur le thème de la sexualité passée 40 ans. Nous parlerons sexe et amour pour apporter de nouvelles perspectives sur la sexualité. C’est un thème peu abordé et que je crois très pertinent pourtant. C’est pour cette raison que j’ai voulu t’inviter à notre cabinet de curiosités, car ton avis m’intéresse particulièrement.

 

  • Donc ma première question sera directe, toi qui es sexologue : est-ce que le sexe est « mieux » pour les femmes passé 40 ans ?

Non, le sexe n’est pas forcément mieux pour les femmes passé 40 ans. Cela dépend vraiment de l’histoire de chacune et de comment elle aura intégré son histoire, son rapport au corps, sa façon de vivre sa sexualité, son histoire relationnelle.

Certaines femmes, il est vrai, connaissent un véritable printemps sexuel après 40 ans. Elles se sentent mieux dans leur peau, plus affirmées, connaissent le fonctionnement de leur corps et de leur sexe, et ont compris comment s’en servir ou le mettre en mouvement. La sexualité sera nourrie de la richesse de cette première tranche de vie. D’autres se sentiront déjà trop vieilles, ou auront laissé tomber la question de la sexualité à la suite de déceptions amoureuses.

Le sexe, en définitive, c’est surtout bien quand on reste curieuse, désirante, quand on a envie de lui consacrer du temps, quand est convaincue que c’est une expérience régénératrice, que l’on peut s’amuser et jouir si l’on en a envie (car jouir n’est pas obligatoire) et que cela viendra faire grandir ou étoffer notre relation à l’autre.

Le sexe, c’est donc bien à chaque âge, et chaque âge a son charme. La fougue de la vingtaine vaut bien la maturité de la cinquantaine. C’est ce qui rend la sexualité passionnante tout au long de la vie.

 

  • Selon une étude américaine d’envergure, peu importe leur âge, la libido des femmes ne baisse pas, c’est leur rapport à la sexualité qui est modifié. Qu’en penses-tu ?

 

Chez la femme, peu importe son âge le rapport à sa sexualité peut effectivement se modifier. J’y vois trois raisons majeures :

– Le rapport au corps, car le corps évolue. Plus une femme se sent bien dans son corps, à l’aise plus elle osera se mettre en mouvement dans la sexualité. Plus son rapport au corps est décomplexé, plus elle osera le considérer comme désirant et objet de désir. Une bonne image corporelle favorise la libido. Malheureusement cette image corporelle peut être mise à mal par la maladie, le vieillissement ou les maternités.

– Ce rapport peut se modifier avec les maternités. Certaines femmes ont du mal à relier les dimensions maternelles et érotiques, c’est comme si la mère avait pris toute la place en ayant plus de place et d’énergie pour la sexualité. Certaines femmes ne peuvent pas se penser à la fois mères et amantes, dans ces représentations devenir mère c’est devenir « respectable ». Cet antagonisme vient de notre histoire à nous, les femmes.

– Le rapport à la sexualité peut également se modifier à la ménopause, parce que la femme vieillit ou parce que dans ses représentation une femme ménopausée ne fait plus l’amour.  Certes le chamboulement hormonal impacte parfois le désir sexuel de façon négative, causé par des transformations physiques. Je pense aussi que pour certaines femmes, le fait de ne plus pouvoir enfanter, les coupent de leur désir sexuel.

Attention le rapport à la sexualité peut aussi évoluer de manière positive, certaines femmes voient le rapport au corps évoluer, s’apaiser. D’autres femmes vont découvrir leur puissance sexuelle grâce à la maternité. Pour certaines femmes, plus une femme s’affranchit de sa mère psychologiquement, plus elle revit une sexualité positive. Et puis cela dépend aussi des rencontres.

 

  • Tu allies différentes caquettes professionnelles comme sexologue, thérapeute de couple, chroniqueuse ou écrivaine, comment as-tu découvert ta voix, ta vocation ? Et comment gères-tu les différentes casquettes ?

 

A la base j’ai une maîtrise de lettres modernes. J’ai d’ailleurs traduit, c’était mon sujet de mémoire, un manuscrit en ancien français, où il était question d’un homme espionnant une femme faisant sa toilette, thème médiéval bien connu reprenant celui de Bethsabée au bain. Cette année universitaire m’a passionnée. J’ai pris conscience de façon encore plus nette de la puissance et de la finesse des femmes, mais aussi de la façon dont les hommes pouvaient les surprendre et les soumettre. Dans le prolongement de cette même année, j’ai vendu de la lingerie féminine pour me faire un peu d’argent et pour me changer les idées. J’étais déjà maman de notre premier enfant, mais j’avais besoin de sortir un peu de notre foyer. Nous étions dans une nouvelle ville où je ne connaissais personne. Travailler était une façon de retrouver du lien social et d’acquérir une petite indépendance financière. Dans ce magasin de lingerie, j’ai été très touchée par le désir des femmes à être belles, à se faire plaisir, ou encore à explorer leur érotisme à travers de jolies lingeries. Mais j’ai été tout autant révoltée de les voir pleurer en cabine, parce qu’elles se trouvaient moches ou parce que leur compagnon ne les trouvait pas sexy, exigeaient d’elles des modèles qui ne leur convenaient pas.

Mon féminisme en incubation depuis l’enfance est véritablement né à ce moment-là. Non seulement la femme devait pouvoir explorer son féminin et son érotisme sans culpabilité mais aussi à sa façon. J’étais également convaincue que l’érotisme ne pouvait se déployer sous le joug de la culpabilité, de la contrainte, ou encore de la douleur. J’ai commencé à lire, à me documenter sur ces sujets. Puis je suis devenue professeur des écoles. Nos enfants ont continué d’agrandir notre foyer, et j’étais franchement heureuse dans cet équilibre mère-femme, auprès de mon mari, résolument féministe lui aussi !

Sa présence et son aide m’ont été précieuses pour tenir la barre, d’ailleurs, nous la tenions à deux, avec nos personnalités différentes, et selon nos disponibilités bien entendu. Puis nous avons déménagé, j’ai perdu mon travail et j’ai profité de ce “creux” professionnel et d’un congé parental pour me former au conseil conjugal et familial dans un premier temps, puis très vite en sexothérapie. Je voulais tout savoir sur le couple et la sexualité, comprendre les ressorts de la relation et surtout comprendre pourquoi certains couples étaient heureux et d’autres malheureux. Quelle place avait la sexualité dans cette histoire-là. Comment la femme pouvait vivre son être femme et son être mère de façon harmonieuse et moderne. De fil en aiguille, mon cabinet s’est constitué, j’ai rencontré des femmes extraordinaires qui chacune à leur façon m’ont aidées, motivées, propulsées. Je pense à Hélène Bonhomme, fondatrice des Fabuleuses au Foyer, blog pour lequel je suis devenue chroniqueuse, Yvonne Knibiehler historienne et féministe, qui m’a encouragée à développer ce que je faisais, ou encore Claire de Saint Lager avec qui j’ai créé les cycles Yaphah Sexualité féminine ou encore participé à l’écriture du livre “Devenir femme, être soi“. Je pense aussi à la journalise des podcasts Sex’oh et toutes autres femmes qui a valorisé mon travail. Ma trajectoire professionnelle est le résultat d’une entraide, et la preuve que les femmes peuvent œuvrer à une même cause : le bien-être de la femme, quel que soit son parcours de vie.

 

Concrètement, je suis plutôt bien organisée. Certes nous avons une famille nombreuse, mais nous l’avons souhaitée. Frédéric, mon mari, est un partenaire de vie précieux, soucieux de mon épanouissement. Il est donc investi dans notre organisation familiale et cela n’a jamais été un sujet. Par exemple, je gère tous les matins en semaine, et lui gère toutes les soirées. Nous formons une belle équipe. Selon les périodes de vie, nous sommes plus ou moins investi dans cette organisation, cela dépend de l’énergie que nous demande notre travail. Un coup c’est lui, un coup c’est moi. Je suis soucieuse de sa réussite professionnelle et de son bien-être au travail autant qu’il l’est pour moi. C’est un vrai point fort que nous cultivons, et nous nous aidons mutuellement. Au niveau scolaire, je suis plus proche des petits et lui des grands, mais nous aimons nous investir dans l’éducation des enfants. A la base, nous avons des métiers de pédagogue, donc l’éducation, on aime bien ça ! Cette complicité me permet justement de gérer mes différentes casquettes, même si j’ai eu besoin il y a quelques années d’être accompagnée en coaching pour penser à une organisation et à un projet professionnel qui me conviennent “sur mesure”. Et pour maintenir cet équilibre sans m’épuiser, je marche quotidiennement, je lis, j’écris pour moi au moins 10 minutes par jour et surtout je me force à maintenir des espaces vides. Dans ces espaces vides, j’y mets ensuite ce que je veux (balade avec mon mari, temps pour moi avec des amies, temps pour bricoler …). J’ai besoin de vide pour me remplir d’énergie ! L’équilibre est sans arrêt à revoir. Par exemple, l’an prochain, je vais devoir réduire mes entretiens pour avoir du temps pour travailler et écrire mon mémoire (je fais actuellement un DU) mais aussi pour écrire de façon plus globale et souffler un peu car cette dernière année a été intense ! Revoir mon équilibre ou mon organisation n’a jamais été un problème.

 

  • Tu es mariée, mère de 6 enfants. Comment la maternité impacte le couple tant sur le plan amoureux que sexuel ?

 

La maternité impacte le couple, notamment parce qu’elle interroge de façon nouvelle l’identité de chacun des deux conjoints. La femme devient mère, l’homme devient père : comment chacun se perçoit-il, individuellement, mais aussi dans le regard de l’autre ?

Qu’est-ce que j’attends de mon conjoint ou de ma compagne depuis que nous sommes devenus parents ? Ces questions sont passionnantes autant que bouleversantes, elles peuvent unir le couple dans cette nouvelle alliance parentale comme le faire exploser.

En devenant parent, de nombreuses choses se déplacent ou se réactualisent : ma façon de voir le monde, mon rapport au travail, mon enfance, mes représentations, l’éducation que j’ai reçue, l’enfant que j’ai été (…) C’est une ébullition psychique qui demande de la souplesse, mais aussi de la sécurité affective, émotionnelle et relationnelle. Il va falloir s’organiser, tant sur le plan spatial, que temporel ou relationnel et laisser de la place à cet enfant sans étouffer sa propre place ou celle du couple. La relation amoureuse évolue, le couple-amant s’ouvre à la parentalité et sort de son cocon : c’est un processus tout à fait naturel source de joie pour de nombreux couples, qui inventeront tranquillement une autre façon de composer Mais il est vrai que pour d’autres couples, le changement est vertigineux, au niveau amoureux et sexuel, chacun se sent perdu, fatigué, ébranlé.

 

Au niveau sexuel, la maternité, plus largement le fait de devenir parent, questionne une nouvelle articulation : être mère et amante, être père et amant, sur un même corps !

Est-il possible de vivre des élans de tendresse maternelle puis, deux heures après des élans de désir sexuel ? L’histoire infantile de chacun, ses références parentales, plus largement son histoire personnelle, contient en partie la clé de cette conciliation.

Plus une femme aura pu constater le bonheur de sa mère à être femme, plus cela lui deviendra possible. Elle aura intégré de façon tacite que la mère peut jouir dans les bras de son amant sans culpabilité. Que cela ne viendra pas ternir la valeur de ce qu’elle est. Qu’elle n’en sera pas mauvaise mère pour autant. Ni putain d’ailleurs. Il y a la mère, tendre et dévouée auprès de son enfant, et la femme qui vit la joie de la sexualité.

La maternité impacte également le corps, elle laisse des traces et parfois, malheureusement, des traces irrémédiables que la femme aura du mal à accepter ou dépasser. Je pense aux kilos qui s’installent, aux vergetures, à la poitrine qui évolue. Mais de façon plus traumatique, je pense aussi à toutes les femmes ayant connu une déchirure partielle ou complète du périnée au moment de l’accouchement et qui mettront du temps à dépasser ce traumatisme autant psychologique que physiologique avant de retrouver une sexualité apaisée et non douloureuse. Heureusement, et il est important de le souligner, de très nombreuses femmes s’épanouiront réellement grâce à l’expérience de la maternité, découvrant ainsi en elles-mêmes, une force, des compétences, des ressources qu’elles ne soupçonnaient pas. D’autres femmes découvriront autrement leur corps, la puissance et la beauté de celui-ci, intégrant l’expérience de la grossesse et de la maternité dans un devenir femme décomplexé et assumé.

Enfin la maternité impacte le couple tant sur le plan amoureux que sexuel à travers la fatigue qu’elle génère et de facto, la redistribution de tâches ménagères au sein du couple ! La fatigue, c’est terrible pour la sexualité, autant que les disputes autour de qui fait les courses ou étend le linge. Il me semble indispensable que la mère puisse être relayée par le père, que celui-ci puisse la détacher avec douceur de ses enfants. Le message serait en substance le suivant : “Tu vois, ta mère, c’est aussi ma femme. Donc maintenant, tu la laisses se reposer, sortir, ou tu nous laisses dormir, car elle a besoin de se reposer, et nous avons besoin de nous retrouver (oui, oui, dans le même lit !)” De nombreux hommes se saisissent de cette fonction.

La femme doit accepter que l’homme s’en saisisse à sa façon, avec sa personnalité. Cela demande du dialogue, même chez les couples qui s’entendent bien. Au milieu du linge sale et de la to-do list, le couple peut aussi choisir de s’astreindre à des temps passés ensemble, érotiques ou pas d’ailleurs. Mais c’est un fait, quand on devient parent, il y a moins de temps pour faire l’amour ou pour se retrouver seuls spontanément, alors soit on se dit que ces temps d’intimité viendront quand ils viendront, et il faudra s’en saisir à ce moment-là de façon aléatoire, soit on se dit que faire l’amour c’est tout de même chouette et le couple prend rendez-vous. Comme dans les premiers temps de leur histoire en somme ! Les couples ont souvent leurs petites habitudes à ce propos.

 

  • Quels conseils donnerais-tu aux femmes pour les aider à se relier à leurs émotions ou sensations corporelles ? ou comment appréhender ce fameux « lâcher-prise » ?

 

Le conseil numéro un serait de les inviter à ralentir si elles constatent que leur vie est une course effrénée, car pour ressentir, il faut avoir aussi un peu de temps. Ralentir, c’est n’est pas arrêter de bosser et ne plus rien faire. Ralentir, c’est accepter d’alléger son quotidien sur des toutes petites choses si besoin (par exemple ne pas tout repasser, préparer deux fois par semaine un repas très simple ou décongeler une pizza). Le conseil numéro deux serait d’accepter, quelques minutes par jour, d’appuyer sur pause pour savourer un café, poser son regard sur un paysage ou un objet qui nous procure de la joie, et se saisir de ces petits instants magiques. Cela fait aussi partie du ralentissement, c’est un état d’esprit en fait. Le lâcher-prise commence dans ces toutes petites choses. Par exemple, l’un de mes petits plaisirs est de contempler la montagne que j’aperçois au loin le matin quand je rentre de l’école ou encore de humer l’air au printemps. C’est 60 secondes de pause chaque matin : un petit cadeau sensoriel, qui stimule et nourrit positivement. C’est ainsi que l’on commence à se relier aux sensations corporelles, en offrant plus d’attention au sensoriel quotidien, c’est- à-dire à nos 5 sens.

C’est un exercice intéressant car nous avons toutes nos sens préférés ! Cette expérience permet ensuite de partir à la recherche de l’émotion que cela nous procure. Mais forcément, cela demande un mini-temps de pause encore une fois, au moins le temps de se dire “Tiens, mais comment je me sens-là maintenant ?”. Repérer et nommer nos émotions en commençant d’abord sur des petites expériences sensorielles agréables nous aidera ensuite à appréhender le désagréable avec plus de facilité.  Lâcher-prise, c’est donc accepter dans un premier temps de faire des micros-arrêts sur image quotidiens, en tous les cas pour commencer. Puis, nous pouvons ensuite le développer en y accordant un peu plus de temps et dans d’autres espaces comme celui de la sexualité.

 

  • Quels conseils donnerais-tu aux mamans qui ressentent le besoin de retrouver une connexion avec leurs autres facettes et leur désir ?

Justement, de partir à la recherche de ce temps pour elle, qu’elles ont perdu au fil du temps. Les mères sont très sollicitées, émotionnellement, physiquement, intellectuellement. Elles sont sur tous les fronts également et cela les morcelle psychiquement. Or, notre désir ne peut émerger que dans le vide. Si nous tenons notre emploi du temps ou notre charge mentale crispée dans notre tête en permanence, il n’y aura pas de place pour penser autre chose et laisser émerger une autre pensée plus créative ou désirante. Pour retrouver ce temps, je les invite à ralentir comme je le disais tout à l’heure, et je les invite aussi à déléguer. Il faut oser déléguer ! Oser demander ! Oser lâcher l’idée de la femme forte qui se débrouille toute seule pour devenir une femme de désir.

L’alliance conjugale est donc précieuse, l’environnement amical aussi. Et quand la femme ne peut être aidée, il existe de multiples lieux associatifs qui peuvent apporter un soutien ou des bulles de respiration qui aideront à faire émerger des petites bulles de désir.

 

  • Quels livres ou podcasts recommanderais tu pour explorer les différents aspects de l’intimité féminine et relationnelle, offrant aux femmes une occasion d’approfondir ou de redécouvrir leur sexualité avec sérénité ?

« Femme désirée, femme désirante » de Danièle Flaumenbaum est un bon livre de départ. Ou alors mon livre “Terre Eclose, la sexualité au féminin” et mes podcasts Sex’Oh !

 

  • Une activité en tête que tu aurais envie de tester mais tu n’as pas encore eu l’occasion ou tu n’as pas encore osé ?

Une séance de photographie, nue !

 

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